Passionnante brève Batak

Bonjour tous!

Aujourd’hui, je vous fais une petite brève sur les Bataks, car je sors d’un restaurant + café avec Ivor qui a été culturellement au-delà de toutes mes espérances.

Vous le savez, Ivor est Batak. Et les Batak ont une culture tellement singulière et intéressante que les colons Néerlandais avaient l’habitude d’aller en expédition au nord de Sumatra pour les rencontrer et les étudier.

Aujourd’hui, j’en ai appris beaucoup plus sur l’originalité de ce peuple. Et tout ça autour d’un énorme Starbucks (3e le Starbucks, ça fait chaud au cœur). Parlons donc de communité. Ivor m’explique que la communauté Batak est extrêmement soudée. Quand un Batak rencontre un autre Batak dans le besoin, il a le devoir de l’aider quelqu’en soit le coût. Ainsi, lorsqu’Ivor est arrivé à Jakarta, Samot devait l’aider à trouver ses repères. Ivor, quant à lui, était très respecté par ses camarades de classe, et il aidait Samot à ne pas avoir d’ennuis. Le père d’Ivor, qui était orphelin, a été pris en charge par une famille qui lui a offert la meilleure éducation.

Mais l’esprit de communauté va beaucoup plus loin. Chaque enfant Batak apprend tous les noms de famille Batak, plus d’une centaine, et apprend à les classer. Les familles de même puissance n’ont donc pas les mêmes obligations les unes envers les autres que les familles de puissance différente.

La communauté s’exprime aussi d’une autre manière, très inattendue. En effet, les Bataks ont de très bons jobs en général. Mais pas tous, car les écoles ne sont pas accessibles à tous, pour des raisons multiples dont le fait que les Bataks ont été persécutés sous le régime de Suharto. Ainsi, ceux qui ont moins d’argent rentrent souvent dans la mafia, le Nord de Sumatra correspondant à une région hautement stratégique nommée Détroit de Malacca, proche de Singapour. Le détroit de Malacca est un haut lieu de la piraterie et la plupart des super tanks approvisionnant l’Asie l’emprunte. Bref, tout cela pour vous dire que les Bataks pauvres entrent dans la mafia la plus puissante d’Indonésie, tenue par des Bataks, et ils alimentent en argent la communauté Batak afin de prendre en charge les orphelins, les écoles…

Chaque membre d’une famille a une position et un rôle très particulier. Observons d’un œil extérieur le mariage éventuel d’une des sœurs d’Ivor. Dans ce cas là, une cérémonie a lieu: les parents d’Ivor se tiendront assis côte à côte, puis Ivor, puis la sœur qui compte se marier, et enfin l’oncle de la sœur, oncle qui ne peut être que l’oncle du côté maternel. Attention, je sui rentrée dans le détail, si la mère n’a pas de frère, elle choisit dans la communauté des personnes ayant son nom de famille un oncle. Cette personne sera l’une des plus importantes de la famille. A côté de la sœur, donc, l’oncle, qui est le maître de toutes les cérémonies Bataks. Toutes ces personnes sont assises sur une même ligne. Sur une ligne en face d’eux se tiennent les parents du marié (qui sont en face de l’oncle de la mariée), le marié (en face de la mariée) et l’oncle du marié (le frère de la mère). Dans cette cérémonie, ce sont les deux oncles qui vont négocier: la famille du marié propose une dot pour la famille de mariée, et les discussions sont très longues. Seuls les oncles parlent, et lorsque l’oncle de la mariée souhaite l’avis des membres de la famille, il parlera uniquement à Ivor, qui lui-même parlera avec son père. Son père donnera son avis à Ivor qui transmettra à son oncle, et ce toujours assis en face de la famille du marié. Mais Ivor ajoute malicieusement: « Tu sais, c’est pour la tradition que nous faisons durer la cérémonie, car tout le monde est très content quand il y a un mariage, alors on n’en a pas grand-chose à faire de l’argent ». Sur ce, j’avoue avoir explosé de rire tant cette cérémonie me paraissait sérieuse. Et elle l’est hein, qu’on ne me fasse pas dire ce que je ne dis pas, mais quand même, la chute de l’histoire est cocasse. Cette cérémonie est très importante, ainsi que le mariage. Par conséquent, les Bataks qui vivent à l’étranger et qui se marient avec un étranger rentrent toujours faire cette cérémonie chez les Bataks.

Concernant la place des femmes chez les Bataks (une thématique qui me tient à cœur dans toutes les sociétés), je suis amenée à poser des questions à Ivor lorsqu’il me dit que les femmes Bataks sont extrêmement respectées. Je lui réponds: « Écoutes, Ivor, surtout, ne le prends pas mal, mais j’ai une question, tu peux tout à fait me dire d’aller me faire voir et ne pas me répondre, mais la première fois qu’on a parlé de ta famille, tu ne m’as pas cité l’existence de tes sœurs et tu m’as dit qu’étant le seul fils de la famille, tu étais plus ou moins le chef incontesté pour la suite des opérations. Donc sans vouloir t’offenser, comment va se passer la succession au niveau de ta famille ». Bon, vous allez peut-être me trouver un peu culottée, mais je trouve que la succession peut être un indice assez représentatif concernant la perception des sexes dans une société. Je suis assez contente de la réaction d’Ivor: il me trouve culottée également, mais trouve aussi ma question ingénieuse. Il sait où je veux en venir. Il m’explique donc: « lorsque mon père et ma mère ne seront plus là, je serai celui qui sera en charge de répartir les biens de la famille, mais cela se passe selon des règles coutumières. Par exemple, nous accordons toujours au petit dernier de la famille la maison. Puis ce sera à moi de décider qui obtiendra quoi ».

Nous parlons encore de quelques choses, mais franchement, vous l’avouerez, c’est passionnant comme culture, non? Au final, on aura papoté de 20h à 24h, et il est grand temps de rentrer à la maison pour coucher cela sur papier tant que c’est frais dans ma tête et … Dormons un peu!!

Vous aurez sans doute le droit à une brève juridique très bientôt, ainsi qu’à une brève gastronomique.

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